jeudi 5 juillet 2012

Masterclass Alexandre Astier

Jeudi 5 juillet 2012, la Comic Con' a invité Alexandre Astier à tenir une masterclass de 2h, sur la scène principale du parc des expositions de Villepinte. A cette occasion, il a évoqué plusieurs sujets. Je n'avais ni notes ni papiers, mais j'ai retranscrit ce dont je me souvenais. Il a commencé par répondre aux questions préparées par les intervenant, avant de répondre aux questions du public.



Ainsi donc, un digest de la masterclass :


« Bon on est jeudi, je me disais donc que tout le monde travaillait, et qu’il n’y aurait personne. Mais au vu des quatre mille personnes devant moi, je me suis trompé » [acclamation de la foule]

« Je suis une personne qui fait tout, ce qui a un avantage et un inconvénient – notamment lors du lancement du projet, puisque maintenant, j’ai plus de facilités. L’avantage, c’est que je reste maître de la situation, et que je sais où je vais. L’inconvénient, c’est que les décideurs, eux, ne le voient pas toujours. Je devais montrer la scène finie pour que les décideurs (production, chaîne) puissent voir où je voulais en venir.
« Cependant, et surtout lorsqu’on n’est pas connu, il faut savoir se battre pour faire respecter notre projet. Par exemple : alors que nous étions en train de tourner une scène de la première saison, une personne est venue me voir sur le plateau. Elle m’a conseillé d’aller voir pour les photos de Kaamelott qui étaient en train d’être faites. Elle me précisa que je n’allais pas aimer : effectivement, non. Les photographes – de journaux télévisés type Télé7jours, je ne me souviens plus des autres […] – faisaient prendre des poses débiles aux personnages… afin de montrer le côté comédie. Il a donc fallu que je leur explique que Kaamelott était une comédie sérieuse, et en France, ça semble difficile à comprendre. Dans les centres commerciaux, il y a parfois des téléviseurs qui diffusent des films sans le son. Kaamelott, sans le son, je veux que ça donne l’impression d’être un film sérieux. Ce n’est que lorsqu’on allume le son que l’on peut rire.

« Lorsque j’ai décidé de travailler sur ce projet, j’avais une idée de ce que je voulais faire. Cette idée s’est modifiée au cours de la création, et au final, si je m’y étais cantonné, je n’aurais pas été aussi loin.
« Dans les trois premières saisons de Kaamelott, nous n'avions pas énormément de moyens, aussi tout devait passer par le dialogue. Je ne pouvais pas faire un plan muet qui exprimait quelque chose. Comparons avec la musique. Une musique est construite avec un thème auquel l’accompagnement donne une couleur ; un film est construit avec la structure du scénario (le thème) puis les dialogues suivis du montage et de la musique donnent eux aussi une couleur.

« Pour moi, une saison de Kaamelott, c’est 6 h qui sont coupées en tranches, en 100 tranches ou en moins (pour un format final de 3min, 7min, 52min). Dans ces 6 heures, le plus difficile à construire, ce sont les arches dramatiques des personnages. Par exemple en saison 6, il y a 120 personnages, et, même si tous n’ont pas d’arches propres, les groupes de personnages, ont de toutes façon une arche. »

« Arthur prend les gens comme une suite d'individualités, tandis que Lancelot les conçoit en tant que masse. C’est le conflit qui est la base de tout Kaamelott. »

 « Dans la première demi-heure du premier film Kaamelott, Lancelot s’empare du royaume et le domine en tyran. Tout en l’écrivant pour le film, je me suis dit que c’était un domaine passionnant, et qu’une demi-heure pour le traiter était un laps de temps trop court. Aussi j’ai choisi de développer ce passage [dans la nouvelle saison/dans des nouvelles dont certaines seront reprises en livre audio voir en une nouvelle saison]. »

« Chez moi, le comédien est roi. Habituellement, on écrit un scénario, puis on trouve un metteur en scène, et enfin on fait un casting. Toujours en général, dans les bibles de séries, les personnages sont résumés à des caractères. Dans Kaamelott, Arthur est grognon, Guenièvre est une cruche, [Untel] est une brute… Si l’on se base uniquement là-dessus, on perd tout ce qui fait la richesse du personnage : car on ne peut être une brute sans avoir aussi des moments de grande tendresse. Je n’écris donc pas pour des caractères, je n’écris pas non plus pour des personnages, mais j’écris pour des comédiens, et avec eux. De fait, parfois, quand j’allais mal, le roi Arthur lui-même allait mal. C’est une question de sincérité avec le personnage.
« Toute la structure de ce qui va être tourné est prête, aussi le dialogue vient très vite, de façon intuitive : je connais les comédiens, les comédiens me connaissent… Une fois, je jouais une scène avec Bohort, et il me disait qu’il n’arrivait pas à sortir une réplique, mais qu’il allait réessayer. Je lui dis non, tout en lui proposant de changer la réplique afin qu’il puisse la sortir. Nous jouions ensemble depuis longtemps, et comme au bout de la seconde prise, il n’arrivait toujours pas à l'exprimer, et c'était moi qui avais fait une erreur d'interprétation en l'écrivant. La réplique fut modifiée.
Je ne donne pas aux acteurs le texte avant le matin où ils vont avoir à les jouer, car je ne veux pas qu’ils plaquent une musique de jeu sur la mélodie des dialogues. Certains adorent ça. Mon père par exemple a ce petit rituel : il se fait maquiller, de prendre son café et de découvrir le texte. D’autres ont peur d’avoir à interpréter un rôle qui ne leur convient pas tout à fait (voir pas du tout). Mais je travaille avec eux, donc ils n’ont pas de raisons de s’inquiéter. Même si parfois, en bon enfoiré [sic], je donne quand même de gros dialogues le matin, alors qu’ils ne semblent pas avoir spécialement le temps de les apprendre. Ainsi, une fois, j’ai donné le matin un monologue de quatre ou cinq pages à l’acteur qui a interprété César, 83 ans à l’époque. Dans cette scène, il était allongé sur son lit et jouait ce monologue. J'avais prévu cette scène en plan-séquence avec un lent travelling à l’issue duquel on découvrait un des protagonistes [dont le nom m’échappe], aussi était elle assez chronométrée. Je dis à l’acteur que je ne pouvais pas la tourner comme prévu, mais il me répond que ça ne lui posait pas de problème. On a fait deux prises : les deux fois, il a dit son texte à la virgule près. C’était la dernière scène qu’il devait jouer dans le plan de tournage, aussi, comme de coutume, toute l'équipe applaudit l’acteur. Il s’est tourné vers moi – excusez-moi, je ne vais pas arriver à le dire sans pleurer – et m’a avoué avoir rajeuni de vingt ans. Ça signifie que ça faisait vingt ans qu’on ne lui avait pas proposé un rôle comme ça, un rôle à sa mesure. Cet acteur a créé tant de grands rôles pour le théâtre : ce n’est pas un manchot. Lorsque les chaînes le cantonnent à de petits rôles pour la seule raison qu'il a une bonne tête et donc qu'il va rassurer le téléspectateur, autant faire du 30km/h en pilotant une Ferrari. Je parle ici de lui, cependant, beaucoup d'autres acteurs se retrouvent dans son cas.

« Je suis entré dans la musique bien avant de poser le pied sur une scène de théâtre (cette nouvelle entrée s’étant presque effectué par hasard). J’ai commencé à 6 ans, à 20 ans j’y étais encore, avec les diplômes et tout. 
« Le meilleur moyen de porter la musique classique, ce n’est pas les concerts, ce n’est pas les CDs, c’est le cinéma (petit ou grand écran). Tous les grands noms de la musique classique y sont.
« Je compose dans les décors : l’assistant réa a toujours une partition vierge et un crayon avec lui, et quand quelque chose me vient, je peux écrire. Ainsi, les musiques de la saison 6 ont été composées dans les studios de Cinecitta, puis affinées chez moi.
« Je fais tout comme un musicien : j’écris comme un musicien, je réalise comme un musicien, je monte comme un musicien. »

« On fait avant tout du spectacle. La télévision, le théâtre ou le cinéma ne sont que des canaux par lesquels ce spectacle est diffusé. »

Vous pouvez retrouver Alexandre Astier sur twitter : @sgtpembry

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire